Par Rémi Dijoux, CPA, CGA, MBA

De nombreux dentistes, débutants ou associés, souhaitent posséder leur propre clinique dentaire. Ils reconnaissent qu’être propriétaire d’une clinique leur procurerait plus de contrôle, de revenus et d’indépendance.

La réticence envers le risque de l’entrepreneuriat est une des principales raisons pour un dentiste d’éviter de devenir propriétaire de sa clinique. Est-ce une crainte justifiée? Nous affirmons que non, chiffres à l’appui: selon Statistiques Canada, parmi les quelques 2000 cliniques dentaires au Québec, 98% sont rentables.

Bien sûr, la plupart des gens ne sont pas nés entrepreneurs, mais cela devient beaucoup plus facile si vous vous entourez d’une équipe de professionnels qui vous aide à élaborer votre plan stratégique, à optimiser votre pratique et à minimiser votre risque. Un autre facteur évoqué par ceux qui hésitent à se lancer en affaires est le fait de devoir assumer la gestion d’une clinique dentaire. Tout le monde n’est pas nécessairement assez patient – sans jeu de mot – pour s’occuper des problèmes de gestion de personnel, de bail, de fournisseurs ou pour se familiariser avec les questions financières. Bien sûr, il s’agit là de défis à surmonter quand on est propriétaire, mais encore ici, la peine afférente est adoucie par la délégation d’une grande partie des tâches de gestion aux professionnels qui vous entourent. Aussi, comme c’est en forgeant que l’on devient forgeron, on s’y habitue avec le temps. Quelques inconvénients ne doivent pas occulter les avantages offerts par la propriété d’une clinique dentaire.

Parmi les nombreux avantages de posséder une clinique dentaire incorporée, un en particulier mérite d’être examiné. Il s’agit de l’exemption pour gain en capital disponible pour le ou les actionnaires d’une société par actions privée exploitant une entreprise, suite à la vente des actions de cette entreprise. Cette exemption représente un allègement du fardeau fiscal pouvant atteindre plus de 200 000$ indexés sur l’inflation pour chacun des actionnaires, selon la valeur de leurs actions. C’est un outil qui bonifie sérieusement une retraite.

Avant d’aller plus loin dans l’explication de cet avantage, revenons à la propriété d’une clinique dentaire. Acheter ou démarrer une clinique est un acte à triple portée: il vous permet de pratiquer votre profession conformément à votre vision personnelle de la médecine dentaire. Vous être maître de votre type de pratique, de votre lieu de travail, de votre temps. C’est aussi une occasion d’entreprendre. Enfin, c’est un investissement.

La propriété d’une clinique dentaire est un outil d’investissement de qualité, c’est-à-dire à haut rendement et à faible risque. Il est courant d’exiger un rendement de 20% d’une clinique dentaire. Les banquiers recherchent les dentistes pour leur offrir des prêts au taux préférentiel « prime rate ». Comprenez que ce sont des conditions qui sont offertes uniquement à une clientèle privilégiée à très faible risque.

Une autre des objections à l’achat d’une pratique peut être le fait de continuer à pratiquer en tant qu’associé et investir son épargne dans des véhicules d’investissement tels que la bourse, l’immobilier ou autres fonds mutuels. L’indice boursier TSX de Toronto a procuré un rendement moyen de moins de 10% dans les 30 dernières années, avec une forte volatilité (donc risque) à court terme. Quant à l’immobilier au Canada, son rendement a été d’environ 5% pendant la même période. Ces rendements sont bien inférieurs à ce qu’offre une clinique dentaire. De plus, quand on considère la magie de l’effet de levier apporté par le financement, le rendement d’une clinique est multiplié. Considérez que vous ne mettez presque rien ou carrément rien de votre poche, car la banque finance souvent la totalité de l’achat ou du démarrage, et vous récoltez des flux monétaires dans le futur, y compris le produit de la vente ultime de votre clinique. Toute somme empruntée qui vous coûte environ 3% (le taux préférentiel moyen en 2017) vous rapporte plus de 20% annuellement.

Le contrôle exercé par le dentiste propriétaire sur sa clinique, qui est l’actif sous-jacent de son investissement ainsi que protection de l’industrie de la médecine dentaire contribuent grandement à réduire le risque d’affaires. Au-delà de votre avantage concurrentiel par rapport aux personnes non-dentistes – car vous, les dentistes, êtes les seuls autorisés à détenir comme actif un achalandage de patients dentaires – qui procure un meilleur rendement à une clinique dentaire, l’autre facteur à retenir est que la propriété d’une clinique dentaire est quasi exempte d’impôt, lors de la vente.

Comment cela est-il possible ? Par le mécanisme d’exemption de gain en capital. Tout contribuable propriétaire d’une société privée sous contrôle canadien a droit à une exemption de gain en capital lors de la vente de sa société sous certaines conditions. En effet, la plus-value que vous allez réaliser lors de la vente de votre clinique pourrait être complètement couverte par la limite de votre droit d’exemption. Il faut rappeler que la limite à vie de l’exemption de gain en capital est de 835 716$ en 2017.Elle était de 500 000$ en 2006; elle est indexée sur l’inflation et a des fortes chances d’atteindre 1 250 000$ dans 20 ans.

Prenons une clinique d’une valeur de 750 000$ aujourd’hui. Elle pourrait valoir 2 000 000$ dans vingt ans, vous faisant gagner une plus-value de 1 250 000$.

N’est-ce pas un bon investissement ? N’oubliez pas que vous n’avez presque rien apporté comme mise de fonds initiale, la banque vous ayant financé avec empressement. De plus, la clinique vous a non seulement rémunéré mais vous a également permis d’accumuler de l’argent pendant toute votre pratique.

Nonobstant les réformes fiscales en cours, dont on ne connaît pas l’issue, il est possible pour le moment de dupliquer l’avantage en incluant la famille dans l’équation. Le ou la conjointe du dentiste pourrait être actionnaire de la société et bénéficier de l’exemption. Imaginez la somme que vous pourriez ainsi encaisser sans impôts dans 20 ans, lorsque votre pratique sera vendue.