Pierre de Boucherville, avocat pdeb@ddpqc.ca

De très nombreux dentistes débutent leur carrière professionnelle en tant qu’associés au sein d’une pratique privée. Ils sont alors appelés à signer un contrat qui leur confère soit un statut d’employé ou encore d’entrepreneur indépendant. Pour la majorité des dentistes, il s’agit d’un premier contrat à conclure, et certains, à tort, peuvent considérer qu’il ne s’agit que d’une simple formalité, alors qu’un tel document aura certainement un impact important sur leur carrière et même leur vie personnelle.

« On m’a dit qu’il s’agit d’un document standard, donc il n’y a pas de problème… »

(Commentaire de la majorité des avocats : Famous last words…)

Il ne faut jamais prendre la signature d’un contrat à la légère.

Il n’existe pas de document standard qui soit adapté à toutes les situations, et certainement pas dans le cas d’une ou d’un dentiste qui s’apprête à passer plusieurs années à travailler au sein d’un cabinet en espérant s’intégrer de manière harmonieuse au sein de l’équipe professionnelle et être apprécié par les patients.

Il ne faut jamais oublier qu’un contrat n’est pas un substitut pour la confiance que l’on peut avoir en une personne. Si les rapports sont bons avec votre employeur, il est possible que tout se déroule bien. Mais le fait de signer un contrat ne remplace ou ne garantit jamais que quelqu’un agira envers vous de la manière que vous le souhaiteriez.

En d’autres mots, il vaut mieux éviter de signer un contrat avec quelqu’un en qui on n’a pas confiance. La confiance s’acquiert par la communication et se gagne petit à petit. Prenez le temps d’apprendre à connaître votre employeur potentiel avant de songer à signer un contrat avec lui.

Un autre vieux dicton d’avocats consiste à dire qu’un contrat, c’est la première pièce à présenter en preuve lors d’un procès…

Un contrat protège vos droits d’une certaine manière. Cette protection n’est toutefois pas magique ni instantanée car elle requiert une intervention pour être activée. Cette intervention peut prendre la forme d’une simple discussion, d’une négociation serrée, d’une lettre de mise-en-demeure, de procédures judiciaires, d’un jugement…La rapidité du résultat désiré n’est donc certes pas absolument garantie comme étant un élément du contrat.

Pour la ou le futur dentiste associé(e) : pensez au futur!

Signer un contrat d’emploi, c’est d’abord et avant tout donner son consentement à l’établissement d’une relation mutuelle, en vertu de laquelle le travail effectué sera reconnu par une rémunération et encadré par certaines conditions applicables pendant et après la fin de la durée de la vie de la relation de travail.

Chacun de nous a en tête une chose bien précise lors de la signature d’un contrat d’emploi : le salaire!
Cependant, la rémunération totale qu’un employé recevra et ses conditions de travail en tout dépendent de bien plus qu’un seul élément : bien sûr le salaire est crucial, mais il ne faut pas oublier le mode d’établissement de la rémunération (salaire fixe ou non, garanti ou pas, à la journée ou à l’heure, ou encore à l’acte, bonis de performance) en plus des congés payés, jours de maladie, journées et heures de travail, et autres conditions qui peuvent rendre attrayant ou peu attractif n’importe quel salaire de départ.

Il faut aussi distinguer entre le statut d’employé salarié et celui de travailleur autonome. Un employé recevra un chèque de paie duquel auront été déduites toutes les retenues gouvernementales, et aura droit à une paie de vacances (deux semaines de salaire, soit le célèbre 4%) alors qu’un travailleur autonome recevra des chèques bruts (sans déductions aucunes) et n’aura pas droit à des vacances payées.

Attention! Certains contrats conférant le statut de travailleur autonome prévoient qu’en cas de recours du gouvernement, relativement à une mauvaise qualification d’un dentiste qui est légalement considéré comme un salarié, l’entrepreneur indépendant sera responsable d’indemniser le cabinet dentaire qui a recours à ses services pour toutes les cotisations, pénalités et frais imposés par le gouvernement!

Il faut aussi se dire que bien qu’attrayant en apparence, le fait de recevoir des chèques sans déductions représente pour bien des gens un danger plutôt qu’un avantage. En effet, il faut avoir de la discipline pour mettre de côté et non dépenser les sommes requises pour payer les sommes exigées par les gouvernements fédéral et provincial! Il faut aussi se dire qu’un dentiste associé n’encourt peu ou pas de dépenses déductibles qui pourraient lui permettre de rendre intéressante sa rémunération brute au point de vue fiscal. Dans la plupart des cas, mieux vaut être salarié pour la paix d’esprit…et les avantages sociaux!

Attention! Il ne suffit pas d’un simple contrat (ou de son absence!) pour établir votre statut d’employé ou de professionnel indépendant.
Comme le décide le tribunal dans l’affaire Centres dentaires Lapointe inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail (2013 QCCLP 6388), il faut considérer, pour établir si un dentiste est employé ou travailleur autonome, l’article 9 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles qui établit que :
9. Le travailleur autonome qui, dans le cours de ses affaires, exerce pour une personne des activités similaires ou connexes à celles qui sont exercées dans l’établissement de cette personne est considéré un travailleur à l’emploi de celle-ci, sauf :

1 s’il exerce ces activités :
a) simultanément pour plusieurs personnes;
b) dans le cadre d’un échange de services, rémunérés ou non, avec un autre travailleur autonome exerçant des activités semblables;
c) pour plusieurs personnes à tour de rôle, qu’il fournit l’équipement requis et que les travaux pour chaque personne sont de courte durée; ou

2 s’il s’agit d’activités qui ne sont que sporadiquement requises par la personne qui retient ses services.

Les dentistes, qui n’avaient pas de contrats écrits ( …) avec les Centres dentaires Lapointe, qui devaient être présents selon des horaires établis, et auxquels les Centres dentaires fournissaient équipement, patients et services de facturation et de perception, ont été considérés comme employés, ce qui résulte en diverses cotisations gouvernementales et retenues à la source devant être effectuées.

Ainsi, l’absence de contrat écrit n’a pas réussi à déjouer les autorités, si cela en était le but…